Le clitoris, on n'y connaît rien : d'où vient cet obscurantisme sexuel ?
Par Jean-Claude Piquard - Sexologue clinicien - dans Le + du Nouvel Obs du 01-11-2013
Clitoris - 1836 Flourens & Deschamp
La connaissance de la sexualité en général et surtout de la sexualité féminine accuse beaucoup de retard par rapport au reste du corps humain. Le phénomène des femmes-fontaines n’est par exemple toujours pas scientifiquement élucidé – c’est scandaleux ! La connaissance du clitoris, quant à elle, est très limitée.
Je pensais qu’il s’agissait d’un manque d’information. Mais je me trompais ! C’est un véritable obscurantisme. Cette connaissance, on l’a perdue. Or, au fur et à mesure que le clitoris a reculé (en disparaissant par exemple de la littérature médicale), les droits des femmes ont fait de même. En 1925, les universités américaines pouvaient se targuer d’avoir atteint une quasi-parité. En 1960, il n’y avait plus que 25% de femmes.
Le clitoris, un inconnu pour 1 collégienne sur 2
Dès l’Antiquité, le clitoris a été reconnu comme l’organe essentiel du plaisir féminin. Au XVIe siècle, les planches d’anatomie décrivaient parfaitement cet organe, y compris son parcours interne. Quant aux textes sur la sexualité du XVIIe, y compris littéraire (cf. "Le rideau levé", de Mirabeau), ils démontraient une grande connaissance de la sexualité féminin et de l’orgasme féminin.
Aujourd’hui, seules 50% des collégiennes de 13-14 ans connaissent l’existence du clitoris, et 16% sa fonction érogène. Au XXe siècle, les femmes, parce que la société a rendu leur sexe sale, sont 80% à ne pas trouver leur clitoris, alors que, de leur côté, tous les hommes ont toujours trouvé leur sexe et ont su se masturber. Le clitoris est pourtant à portée de main.
C’est au milieu du XVIIIe siècle qu’a démarré un obscurantisme sexuel qui allait trouver son apogée dans les années 1960. En 1750, en effet, la masturbation est prohibée. En Allemagne et dans les pays protestants, cette interdiction violente se double d’une répression.
En France, le clitoris pour un usage solitaire n’est pas autorisé. Mais il reste recommandé, y compris par les Églises, au sein du couple. On lui attribuait alors un rôle dans la procréation et la fertilité. L’idée, depuis Hippocrate, c’était que la femme devait avoir un orgasme pour être féconde.
Freud, exciseur psychique
Puis, vers 1880, les scientifiques, après avoir longuement débattu, arrivent à un accord : le clitoris n’a aucun rôle dans le processus de reproduction. À l’origine de ce Big Brother anti-clitoridien, la politique nataliste des États : toutes les pratiques non reproductives devaient être éliminées, comme la masturbation réciproque en couple, qui était utilisée comme un moyen de contraception.
En Allemagne, les jeunes femmes considérées comme des masturbatrices récalcitrantes étaient excisées (20% des opérations avaient une issue fatale). Et comme l’organe était bien connu, on extirpait tout le clitoris, pas seulement le bout charnu.
Ensuite, Freud a joué le rôle d’exciseur psychique. La femme adulte devait délaisser le clitoris et investir le vagin. Il a été le premier à accoler les termes orgasme et vaginal. Et jeter ainsi dans le Danube 400 ans de savoir médical.
Résultat, la sexualité s’est réduite à la reproduction, ou tout du moins à la seule pénétration. À tel point qu’en 1966 la chanson de Gainsbourg "Les Sucettes à l’anis", qui décrit implicitement une fellation, n’a été comprise que par quelques initiés. La censure qui existait à cette époque n’y a vu que du feu, car les paroles n’évoquent pas une pratique pénétrative.
Blocage médical
Aujourd’hui, le clitoris est revenu sur la place publique. La société civile en parle, les médias aussi, notamment les magazines féminins. Le film "Le clitoris, ce cher inconnu" a permis de vulgariser les savoirs autour de cet organe érogène.
Mais dans le dernier congrès de sexologie, les communications sont très centrées sur la pénétration. J’ai même entendu que la sexualité d’un couple s’arrêtait en cas de problèmes érectiles de l’homme. Le clitoris, on n’en parle quasiment pas.
Lorsqu’Odile Buisson a commencé à travailler sur l’anatomie du clitoris in vivo par le biais d’échographies, les portes de la faculté de médecine se sont fermées pour elle. Et, début 2011, quand son livre qui portait uniquement sur le clitoris est paru, le titre "Qui a peur du point G" a été préféré à "Qui a peur du clitoris ?".
Mon livre "La fabuleuse histoire du clitoris", 1ère édition en mai 2012, est la preuve que les choses évoluent. Le clitoris retrouve une visibilité dans la société civile, mais perdure un blocage au niveau médical.
Pourquoi dans un séminaire de sexologie, les 350 femmes sur les 600 participants ne montent-elles pas au créneau pour parler d’autre chose que de la pénétration ?
Propos recueillis par Daphnée Leportois.
Un autre interview de Valérie Marco du 24 novembre 2013 pour Direct Matin Montpellier
Je transmets à mes ami(e)s pour leur faire partager ces connaissances-là !
RépondreSupprimerDe Freud ... excisseur psychique à Gainsbourg en 1966 avez la fellation jusqu'au point G ( CLITORIS ) .....
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