lundi 21 avril 2014

POINT DU MARI !?

Le "Point du mari" désigne le fait de recoudre plus que nécessaire le vagin après une épisiotomie, lors d'un accouchement, pour l'agrément sexuel du conjoint. Seulement, l'avis de la femme compte peu et ça peut devenir très douloureux. Cette pratique consiste en la pose d’un point supplémentaire pour resserrer le vagin d’une femme après une épisiotomie, dans le but d’augmenter le plaisir sexuel de son/ses futur(s) partenaire(s).

OBSTETRIQUE - Céline V., sage-femme en région parisienne depuis huit ans, réagit à la publication de notre article sur le «point du mari»… En tant que sage-femme hospitalière, Céline V. n’a pas compris le déni de certains gynécologues obstétricien interrogés par 20 Minutes dans un article sur le «point du mari». Cette pratique consiste en la pose d’un point supplémentaire pour resserrer le vagin d’une femme après une épisiotomie, dans le but d’augmenter le plaisir sexuel de son/ses futur(s) partenaire(s). La semaine dernière, Agnès Ledig, sage-femme et écrivain, avait publié un texte dénonçant cet acte médical méconnu et sur lequel planent encore quelques zones d’ombre. Céline V., administratrice de l’un des principaux forums de discussion de la profession, la rejoint sur plusieurs points. Elle s’en explique.

Cette pratique est-elle connue des sages-femmes? 
«Ce n’est pas courant et quotidien. Quand l’une des sages-femmes de notre forum en a parlé récemment, il y avait des femmes qui, comme moi, en avaient entendu parler. Et d’autres qui sont tombées des nues. Les témoignages ont commencé à arriver. La parole s’est libérée. Une collègue m’a expliqué qu’elle avait prévenu le conseil de l’Ordre car un médecin de son établissement fait cela systématiquement aux patientes. Mais elle est perdue parce qu’elle a l’impression que tout le monde s’en fiche. Les femmes ne racontent pas n’importe quoi. On ne peut pas remettre leur parole en question.»
Les médecins peuvent-ils ne pas savoir? 
«Je comprends que des médecins ne puissent pas être au courant. Dans l’un des endroits où je travaille, les médecins ont beaucoup de respect pour les patients. Ils ne connaissaient pas ou alors ils en avaient entendu parler comme une légende urbaine. Comme d’un truc qui se faisait dans les années 50. Par contre, quand je leur ai expliqué, ils m’ont crue. Ils ont été outrés. Cela dépend beaucoup des lieux où les gens travaillent. Moi en huit ans, je n’ai jamais entendu un médecin proposer cela à une patiente.»
Le consentement des patientes est-il vérifié? 
«J’ai travaillé dans une dizaine de structures en huit ans. La notion de consentement sur l’épisiotomie est quasiment nulle. C’est une interrogation qu’on doit avoir en tant que professionnels. On a toujours deux minutes pour expliquer quelles seront les conséquences de ce geste médical (l’épisiotomie). Maintenant, les femmes peuvent choisir. Même si c’est en plein accouchement. Si elles refusent, elles en assumeront peut-être les conséquences. Pour autant, je n’ai jamais entendu un gynécologue ou une sage-femme demander: "Est-ce que vous êtes d’accord?"»
Envisagent-elles une action? 
«Alerter le public, c’est déjà bien. Il faut faire attention de ne pas faire peur. L’hôpital, ce n’est pas l’enfer. C’est important que les couples, les maris soient au courant. Si on leur propose, il faut qu’ils sachent que ça peut avoir des conséquences délétères pour la femme et donc pour leur couple. Il va falloir qu’on en reparle avec les gynécologues pour qu’ils ne démentent pas ce que nous dénonçons. On doit jouer ensemble. On va voir avec des collèges de gynécologues et de sages-femmes. Et pourquoi pas le Conseil de l’Ordre des sages-femmes et des médecins. On doit recueillir un maximum de témoignages pour produire un document à visée scientifique. Les internes en gynéco et les étudiants sages-femme doivent apprendre ça au cours de leur formation.»
Qu’en est-il de la relation sages-femmes-médecins? 
«Avec le mouvement de grève des sages-femmes, énormément de tensions ont été exacerbées. Des articles ont été extrêmement injurieux. Il y a eu des dépôts de plainte. Le corporatisme est très prégnant. On en a un peu gros sur la patate. Dès qu’on dit quelque chose, c’est perçu comme étant contre les médecins. Les gynécologues ne sont pas les seuls spécialistes du périnée de la femme. Nous suturons aussi des périnées. Ce qui choque les gynécologues, c’est quand même la pratique en soi. Ce n’est pas le fait qu’on la dénonce. Mais sur ce type de pratiques comme sur d’autres, il y a un corporatisme qui fait que les médecins ont du mal à entendre un message qui ne vient pas d’eux-mêmes.»


"Point du mari" : quand un syndicat de gynécologues fait preuve d'une misogynie effrontée


Nous avons pu lire avec effroi les propos de Jean Marty dans un article publié hier dans le monde.fr à propos du "point du mari". Interrogé en sa qualité de président du Syndicat des gynécologues-obstétriciens de France, Jean Marty, a tenu dans ce journal des propos emblématiques de la plus pure misogynie et d’un refus minutieux d'entrer en empathie avec les femmes. Ses propos nous alarment sur ce syndicat : si cet homme prétend défendre les intérêts de sa profession, on tremble en pensant combien ils pourraient être opposés à ceux des patientes.

Point du mari : une mutilation

Mal nommée, le "point du mari" est une mutilation sexuelle visant à rétrécir les sexes des femmes au moment de la suture de l'épisiotomie (section du périnée au moment de l'accouchement censée prévenir des risques de déchirures plus graves).

Le "point du mari" viserait à donner plus de plaisir aux hommes lors de la pénétration, rendant le coït douloureux pour les femmes. Cette pratique, taboue, a été récemment révélée par la multiplication detémoignages sur Internet.

Les femmes seraient des menteuses et les médecins des artistes

Décryptons les propos du docteur Marty. Niant tout d’abord que les pratiques dites du "point du mari" puissent exister, il rejette les témoignages qui pourtant fleurissent sur la toile et rétorque "c'est dans la tête des femmes". Pour lui, la parole des femmes ne compte donc pas, il ne peut y avoir que fantasmes, inventions et délires dans la tête d’une femme.

Ce commentaire fait froid dans le dos quand on sait que son métier impose bien évidemment d’écouter et de prendre en compte la parole des femmes qui entrent dans son cabinet.

Il ne s'agirait donc que de dérives de l'imagination féminine ? Lui-même se contredit juste après:

"La chirurgie est du domaine de l'art, on peut penser que certains médecins ont eu l'idée qu'en modifiant un peu leur façon de suturer, ils amélioreraient un peu la sexualité, et ça, ça ne nous choque pas."

Il reconnaît ainsi l’existence de ces pratiques qui ne choqueraient pas le Syndicat des gynécologues-obstétriciens, si tant est qu’elles soient décidées unilatéralement par des médecins, divins artistes touchés par la grâce de leur art, créateurs tout puissant d’une bonne sexualité des femmes. Il les défend donc, et fait passer pour un geste artistique ce qui est en fait une mutilation sexuelle.

Une mutilation d’autant plus grave qu’elle est commise par des médecins, abusant de leur fonction et de leur autorité, sans en informer les patientes.

Un mur de rejet, d'intolérance, d'imcompréhension

Et notre bon vieux gynéco ne s’arrête pas là dans le woman bashing. Il proclame ainsi, du haut de son autorité doctorale :

"Vous avez aussi des femmes qui sont bien dans la victimologie, qui se retrouvent dans une forme de souffrance parce qu'elles arrivent à susciter l'intérêt."

Ce commentaire est gravissime, et à deux niveaux. Tout d’abord parce que nous vivons dans une société où les violences patriarcales sont massives et massivement impunies, où 75.000 viols sont commis par des hommes tous les ans, et où 10% des femmes agressées osent porter plainte.

Lorsqu’elles s'y résolvent, se heurtent à ces même murs de rejet, d’intolérance, d’incompréhension. Mais les propos de Jean Marty apparaissent d'autant plus graves qu'ils sont tenus par un médecin, président d’un syndicat fier d'annoncer sur sa page Internet "la voix toujours raisonnable du SYNGOF est écoutée".

Ceux-là même qui devraient avoir à cœur de défendre l’intégrité physique des femmes. Ceux-là même qui devraient comprendre et reconnaître les conséquences dévastatrices des violences sexuelles.

Un mépris pour les femmes, leur sexe, leurs sexualités

Et puisque chacune de ses phrases est décidément une perle, l’article clôt son interview sur un magistral "Une sexualité épanouie, ce 'n'est pas un cadeau que la nature donne à tout le monde'".

Un médecin devrait pourtant savoir que la nature n’a rien à voir avec une sexualité épanouie ou non. La nature dote chaque femme d’un organe fabuleux, entièrement dédié au plaisir : le clitoris. Mais ensuite les sexualités des femmes sont souvent dévastées par les violences des hommes : viols, prostitution, mutilations sexuelles… et par une société androcentrée qui ne pense que par et pour le plaisir des hommes. Difficile parfois de se réapproprier du plaisir.

Au-delà des pratiques mutilatrices lors de la suture, l'épisiotomie en elle-même est encore pratiquée parfois de façon abusive c'est-à-dire sans être thérapeutiquement nécessaire aux patientes.

Près d'une femme sur deux (en 2002, 68% de celles qui mettaient au monde leur premier enfant) y serait encore soumise, alors que l'OMS préconiserait 10%, et que le taux d'épisiotomie serait de 6% en Suède...

Il arrive également fréquemment que des médecins - internes, gynécologues - ou des sage-femmes, en découpant et ou en recousant, abîment les sexes des femmes alors que cela peut et doit être évité. Précipitation à cause du démantèlement de l'hôpital public, désinvolture, mauvaise maîtrise des techniques chirurgicales, mépris pour les sexualités des femmes.. ?

L'épisiotomie ne devrait jamais être mutilatoire ou traumatisante, causer des douleurs et gênes pour toute la vie. C'est un sujet encore tabou or les femmes ont le droit de savoir et de décider, et doivent être entendue lorsqu'elles dénoncent ce qu’elles subissent.

Une clarification du SYNGOF et une action de Marisol Touraine s'imposent

Que le président du SYNGOF participe à ce système d'inversion qui consiste à traiter les femmes qui se plaignent de menteuses, et à présenter ceux qui les blessent comme des "artistes", est inadmissible !

Représente-t-il réellement la position du syndicat et de ses membres? Une clarification s'impose. Plus généralement, pour que toute la lumière soit faite sur ces pratiques et préserver la santé des femmes, nous demandons à Marisol Touraine d'agir. Signez notre pétition !

Les publications sur le sujet de l'épisiotomie et du point du mari amènent très rapidement des commentaires et témoignages de la part de nombreuses femmes. Il nous paraît nécessaire de les écouter et de collecter leur parole. Voici un espace pour laisser votre témoignage.


Marisol Touraine: nous voulons une enquête sur le "point du mari"

Pourquoi c'est important


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